Dans un pays où l’économie informelle constitue l’épine dorsale de la survie quotidienne, chaque décision administrative devrait être pesée avec responsabilité. Ce n’est visiblement pas le cas du préfet du Wouri, qui vient de décider de suspendre pour deux jours l’activité des moto-taxis dans la ville de Douala. Un choix autoritaire, apparemment motivé par la peur d’une manifestation politique, mais dont les conséquences vont bien au-delà de la seule sphère partisane.
Cette mesure frappe en premier lieu des milliers de jeunes Camerounais qui, faute d’un emploi stable, ont trouvé dans la moto-taxi un moyen de subsistance. Pour beaucoup, il s’agit du seul revenu permettant de nourrir une famille, de payer un loyer, d’assurer la scolarité des enfants. En les envoyant au chômage forcé, ne serait-ce que pour 48 heures, le préfet ne suspend pas seulement une activité : il prive des foyers entiers de repas, de médicaments, et d’un minimum de sécurité économique.
Mais le plus grave est peut-être ailleurs. À Douala, ville tentaculaire au réseau routier sinistré, embouteillée du matin au soir, les motos-taxis ne sont pas un luxe : ils sont une nécessité vitale pour des milliers de travailleurs, commerçants, étudiants et petits débrouillards. Ils permettent de contourner les bouchons, d’atteindre des zones enclavées, de gagner en temps ce que les bus délabrés et les taxis classiques ne peuvent offrir. Suspendre ce service, c’est désorganiser toute la dynamique économique de la ville.
Des vendeuses de marché qui ne pourront pas acheminer leurs marchandises à temps ; des aides ménagères, des ouvriers journaliers, des techniciens, des enseignants contractuels qui risquent de perdre deux jours de travail — autant de pertes sèches pour le panier de la ménagère déjà étranglé par l’inflation. Ce n’est pas seulement les moto-taximen que le préfet pénalise : c’est toute une chaîne de survie urbaine qu’il brise.
Le contraste est d’autant plus frappant que dans les quartiers populaires de Douala, l’insécurité continue de sévir sans réponse adéquate. Là où les populations attendent des solutions concrètes — éclairage public, patrouilles régulières, médiation sociale —, l’administration se montre absente. Mais lorsqu’il s’agit de neutraliser politiquement un opposant ou de brider la liberté de manifestation, l’autorité locale agit avec une célérité déconcertante.
Il serait bon de rappeler à ce haut fonctionnaire qu’il est censé représenter la République, non pas un pouvoir politique en quête de contrôle. Sa mission est de garantir la sécurité des citoyens, de favoriser un environnement propice à l’activité économique, et non d’utiliser son autorité pour punir toute expression d’opinion contraire. En frappant la mobilité urbaine, en ralentissant la circulation des biens et des personnes, et en fragilisant les petits revenus, le préfet du wouri saboté une économie déjà au bord de l’asphyxie.
Ce type de décision témoigne d’un fossé grandissant entre les détenteurs de l’autorité administrative et les réalités du terrain. Gouverner une ville comme Douala, ce n’est pas se contenter d’imposer des interdictions arbitraires. C’est comprendre que derrière chaque moto, chaque klaxon, chaque passager, il y a un Camerounais qui tente de survivre.
Si l’objectif réel de cette interdiction est d’empêcher une rencontre politique ou une mobilisation citoyenne, alors il faut le dire franchement : on préfère sacrifier l’économie populaire plutôt que de respecter le droit à l’expression. Ce n’est pas un maintien de l’ordre : c’est un abus de pouvoir.
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