Le clergé de Bafoussam recadre des chefs traditionnels de l’Ouest – Dans la foulée du conflit qui oppose l’évêque de Bafoussam à certaines autorités traditionnelles de la région de l’Ouest, les prêtres de Bafoussam, tout expliquant le cadre légal dans lequel l’église catholique fonctionne au Cameroun, n’ont pas manqué de rappeler le caractère du pouvoir des chefs traditionnels.
C’est presqu’un sermon que viennent de produire les prêtres du diocèse de Bafoussam. Au plus profond du conflit qui oppose l’eveque de Bafoussam à certaines autorités traditionnelles,
N’ont pas cru devoir se taire. Dans le document de 15 pages dont MMF tient copie, les prélats ne viennent pas de main morte. « Nous voulons ici nous interroger sur quelques points de la « Lettre ouverte » attribuée à des chefs traditionnels de l’Ouest-Cameroun. Nous nous pencherons tour à tour sur l’esprit républicain des auteurs de ladite lettre ouverte, sur l’injonction faite à l’Église catholique de ne plus utiliser les objets de la culture, sur l’affirmation que les chefs ne mettront plus pieds à l’église, sur la doctrine de l’Église catholique sur le mariage qui a toujours opposé un NON radical à l’homosexualité, et enfin sur le prétendu esprit de clochardisation de l’Église catholique », ecrivent-ils.
Parlant de l’esprit républicain des signataires de la lettre, les prêtres disent douter « que cette « lettre ouverte » ait été écrite par des chefs traditionnels. Et à supposer que les signataires soient des chefs traditionnels, nous doutons également qu’ils aient été mandatés par tous les Chefs de l’Ouest. En effet, un Chef est un Auxiliaire de l’administration et nous pouvons nous interroger sur l’attitude républicaine des auteurs de la lettre, parce qu’un auxiliaire de l’administration devrait plutôt apporter son concours au respect de l’ordre public et des droits garantis à chaque citoyen par les lois de la République », expliquent-il. Avant « d’attirer l’attention des autorités publiques sur le risque que courent certains citoyens de notre pays, d’être empêchés de jouir du droit d’exercer librement le culte de leur choix. Nous invitons par cette même occasion les autorités publiques à prendre des mesures qui s’imposent pour rappeler à tous les citoyens, les dispositions constitutionnelles, législatives et règlementaires, en vigueur dans notre pays ».
Répondant à l’injonction faite à l’église de ne plus utiliser les éléments culturels de l’Ouest, les prêtres estiment que les « auteurs de cette « lettre ouverte » sont absolument incompétents pour produire une réglementation concernant l’organisation interne du culte catholique. Sur quel droit se fondent-ils pour décider de ce qui doit être fait ou non dans l’Église catholique », se demandent-ils
Au sujet du mariage homosexuel, les signataires de la lettre notent « le désir malsain de certaines personnes respectables à vouloir absolument jeter l’opprobre sur l’Église catholique en l’accusant malencontreusement de bénir les couples homosexuels. Ceci devient une rengaine qui s’assimile à une paresse intellectuelle notoire et une volonté malsaine de manipuler les esprits. En effet, dans la déclaration Fiducia supplicans à laquelle ces personnes font allusion sans l’avoir lue, il est pourtant bien rappelé la doctrine catholique pérenne sur le mariage. Dès l’introduction, ce document rappelle sans ambages que le mariage est et sera toujours pour l’Eglise une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération des enfants. En même temps, ce texte indique clairement que le mariage homosexuel est et sera toujours proscrit par l’Église catholique ».
Les prêtres rappellent qu’ils « continueront d’assumer dans son intégralité la mission évangélique de l’Eglise dans ses dimensions prophétiques : annoncer le Dieu fait homme, sa souveraineté et son évangile qui, parfois peut déranger et bousculer certaines personnes, sans oublier son corollaire majeur qui est la promotion humaine intégrale. Nous continuerons donc de prêcher, à temps et à contretemps, en tout lieu et en toute occasion où nous sommes invités, l’Évangile de l’Amour de Dieu pour le monde, l’Évangile de la paix et de la justice, l’Évangile de la vérité sur l’homme et sur le pouvoir, même si cet évangile doit attirer sur nous une prétendue « malédiction des ancêtres »
Et affirment que « l’Eglise ne doit plus être le bouc-émissaire ou le souffre-douleur de ceux qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités sociopolitiques en refusant de voir les véritables causes de leur clochardisation et de leurs souffrances quotidiennes ».
Il faut rappeler que cette lettre fait suite à celle de certains chefs traditionnels adressées il y a quelques semaines à l’évêque de Bafoussam. Dans cette lettre, les autorités traditionnelles signataires avaient accusés l’église catholique de faire la promotion du mariage homosexuel. Il taxait l’église mère du Cameroun de faire montre de « l’esprit de clochardisation affiché sur le terrain à la recherche du gain… ». Et indiquaient qu’ils ne mettront plus leur pied à la messe.
Rappelons également que dans leur sortie, les chefs traditionnels répondaient fermement à une « boutade » de monseigneur Paul LONTSIE-KEUNE, évêque de Bafoussam. Lors d’une célébration eucharistique à la paroisse Sacré-Cœur de Dschang le samedi 25 mai 2024, le patron de l’église catholique à Bafoussam avait déclaré : « Je dis ici à l’attention des chefs que je respecte bien, qu’un chef n’est que chef, un point c’est tout, pas plus ni moins, et Dieu seul est Dieu ». Une déclaration qui avait courroucé certains chefs traditionnels.