Le gouvernement camerounais propose d’exempter les travailleurs chinois de plusieurs impôts pour « attirer les investisseurs ». Une mesure présentée comme gagnant-gagnant, mais qui suscite des questionnements sur les recettes sacrifiées et les privilèges accordés aux expatriés au détriment des contribuables locaux.
Alors que le Cameroun peine à financer ses services publics, Yaoundé s’apprête à ratifier une convention fiscale avec la Chine exemptant les travailleurs chinois de l’impôt sur le revenu, des cotisations sociales et même de l’impôt sur les sociétés. Un cadeau fiscal justifié par « l’attractivité économique », mais qui prive l’État de précieuses recettes.
Le texte, soumis à l’Assemblée nationale, élimine la double imposition pour les ressortissants chinois, supprime leurs contributions au Crédit Foncier et au Fonds National de l’Emploi (FNE), et garantit des taux préférentiels sur leurs revenus d’investissement. Pourtant, dans le même temps, la loi de finances 2025 impose aux autres expatriés des frais de visa annuels équivalant à 5 % de leurs honoraires – une mesure censée rapporter 14 milliards de FCFA
« Comment expliquer que les Chinois bénéficient d’exemptions massives tandis que les autres étrangers voient leurs charges augmenter ? », interroge un expert fiscal sous couvert d’anonymat. Selon lui, cette « discrimination fiscale » pourrait ouvrir la voie à des abus, d’autant que la Chine domine déjà le commerce camerounais (18,9 % des importations en 2023).
La convention promet de « lutter contre l’évasion fiscale », mais aucun mécanisme contraignant n’est détaillé. Or, Pékin est régulièrement épinglé pour ses flux financiers opaques en Afrique. « Sans transparence, cette convention risque de faciliter l’optimisation agressive plutôt que de la freiner », alerte un rapport interne de l’ONG Transparency International Cameroun, consulté par notre rédaction.
L’opposition dénonce un « deux poids, deux mesures ». « Pourquoi ne pas offrir les mêmes avantages aux PME camerounaises, étranglées par les taxes ? », s’indigne un député. Le ministère des Finances se défend en invoquant « des retombées économiques à long terme », sans fournir d’estimations chiffrées. Alors que le pays croule sous les dettes (plus de 11 000 milliards de FCFA en 2024), ces exemptions posent question. Entre attractivité et capitulation fiscale, la ligne semble mince.