La décision de Paul Biya de nommer Monique Ouli Ndongo, ancienne figure militante du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), au sein du Conseil constitutionnel ce mardi, relance les craintes d’un nouveau scrutin présidentiel entaché de partialité en 2025. Une manœuvre perçue comme un défi direct à l’indépendance de l’institution chargée de valider les résultats électoraux, dans un contexte où elections cameroon (ELECAM) refuse toujours de publier la liste électorale nationale.
Une carrière ancrée dans le parti au pouvoir
Originaire de la Kadey (région de l’Est), Monique Ouli Ndongo incarne le parcours type d’une fidèle du régime. Diplômée de la Faculté d’agronomie de Dschang en 1985, cette ingénieure des travaux agricoles a gravi les échelons au sein du ministère de l’Élevage et des Pêches (MINEPIA), occupant le poste de secrétaire générale de 2006 à 2015. Son ascension politique, elle, démarre en 2011 avec son entrée au comité central du RDPC. Élue sénatrice de l’Est en 2013 puis réélue en 2018, elle se présente comme une « défenseure de l’émancipation politique des femmes », bien que son engagement reste indissociable de la ligne du parti présidentiel.
Sa nomination au Conseil constitutionnel, organe clé pour arbitrer les contentieux électoraux, suscite l’ire de l’opposition et des observateurs. « C’est une provocation », dénonce sous anonymat un membre de la Société civile camerounaise. « Comment croire à l’impartialité d’une institution dont les membres sont choisis par le président lui-même parmi ses soutiens ? » interroge-t-il, rappelant que six des onze membres du Conseil sont directement nommés par Paul Biya.
Cette décision intervient dans un climat de défiance exacerbé : ELECAM, accusée d’opacité chronique, refuse toujours de rendre publique la liste électorale, malgré les exigences de l’opposition. « Ce double verrouillage liste électorale opaque et Conseil constitutionnel inféodé annonce une présidentielle jouée d’avance », s’alarme un cadre du Social Democratic Front (SDF), principal parti d’opposition.
Les précédents ne rassurent pas. En 2018, la réélection de Paul Biya (86 ans, au pouvoir depuis 1982) avait été validée par le Conseil constitutionnel malgré des contestations massives et des rapports accablants d’ONG sur des irrégularités. La présence accrue de figures du RDPC au sein de l’institution renforce le sentiment d’un « système verrouillé », selon l’opposition et la société civile.
Face à ce tableau, les partis d’opposition apparaissent divisés. Si certains appellent à « une mobilisation citoyenne », d’autres évoquent déjà un possible boycott. « Sans transparence, toute participation légitime un simulacre de démocratie », assène un avocat.
Du côté du pouvoir, on botte en touche. Contacté par nos soins, un responsable du RDPC défend « la compétence et l’intégrité » de Monique Ouli Ndongo, arguant que « ses qualifications techniques priment sur son appartenance politique ». Un argumentaire qui peine à convaincre une population où seuls 24% des citoyens font « confiance » aux institutions électorales, selon un récent sondage indépendant.