Les autorités administratives et les agents de sécurité du Sud ouest accusés de complicité et de refus d’agir
La floraison des exportations illicites de cacao vers le Nigéria voisin, dans la région du Sud-Ouest, qui prive le Cameroun de milliards de francs CFA, à mis le gouvernement sur les dents.
Cette situation est imputée à des agents administratifs et de sécurité locaux qui travailleraient en complicité avec ceux qui s’engagent dans cette pratique illégale. Les signaux de détresse de cette situation alarmante ont été au centre d’une réunion interministérielle au ministère du Commerce à Yaoundé le mardi 13 juin 2023. Des fonctionnaires des ministères du commerce, des finances et de l’administration territoriale ont pris part aux travaux.
L’administration des douanes et de certains acteurs de la chaîne du cacao ont également été conviés. Des hauts responsables de la sécurité et de la défense ils ont aussi participé.
La concertation était prise par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana
Les enquêtes révèlent que la situation a atteint un niveau tel que l’existence des principales entreprises locales de transformation et d’exportation et sérieusement menacée, de même que les services de collecte de recettes publiques.
Les autorités administratives locales et les agents de sécurité sont désormais pointés du doigt pour ne pas avoir mis en œuvre les instructions de différents ministère sectoriels.
En effet, les entreprises locales de transformation du cacao avaient formulé des plaintes auprès du gouvernement, du manque de fèves de cacao pour leurs usines, soulignant la nécessité de prendre des mesures urgentes pour remédier à la situation;mais les résultats montrent que la situation n’a guère changé.
Le ministre des Finances Louis Paul MOTAZE a tiré la sonnette d’alarme sur la situation inquiétante dans une note qu’il a adressé au ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, le 31 janvier 2023. Dans sa lettre, le MINFI cite des informations émanant de responsables de l’Office national du cacao et du café et du Groupement des exportateurs de cacao et de café du Cameroun (GEX).
Dans sa note, M. Motaze demande au ministre de l’Administration territoriale d’ordonner à ses collaborateurs régionaux de prendre des mesures pour enrayer le phénomène.
Terroristes
En réaction à la note du MINFI, Paul Atanga Nji a instruit le gouverneur de la région du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilaï, le 28 février 2023, de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au commerce illicite.
Alors que le phénomène n’a cessé de s’aggraver, le ministre du Commerce va à son tour adresser une lettre au gouverneur du Sud-Ouest le 23 mars 2023, décrivant les conséquences des exportations illicites de cacao vers le Nigéria pour le Cameroun.
Dans ladite note, Mbarga Atangana souligne que son attention avait été attiré sur “l’intensification, depuis le début de l’année en cours, du phénomène des exportations massives et frauduleuses de notre cacao vers le Nigéria.”
D’après lui, cet état des choses “se reflète dans les statistiques de production à notre désavantage, le non paiement des redevances et des droits d’exportation, ainsi que l’évasion de devises et l’évasion de devises étrangères”.
Selon le Mincommerce, le commerce illicite a aggravé la situation au point que les “industries locales de transformation du cacao ne peuvent plus trouver la matière première dont elles ont besoin pour poursuivre leurs activités”.
Et de conclure, “face à une telle situation à tout égard préjudiciable à l’économie nationale, j’ai l’honneur de vous demander de prendre toutes les mesures nécessaires en application des dispositions de l’article 10 alinéa n°2016/004 du 18 avril 2016, régissant le commerce extérieur au Cameroun, pour suspendre jusqu’à nouvel ordre des exploitations” a-t-il instruit.
En réponse à la lettre du ministre du Commerce, le gouverneur Okalia Bilai, a exposé les obstacles à la lutte contre les exportations frauduleuses et massives du cacao Camerounais vers le Nigéria, notant que la “lutte contre ce fléau reste la priorité des autorités administratives ou local(…)
Les terroristes qui ont confisqué les plantations agro-industrielles de la CDC et du PAMOL dans les zones frontalières, ainsi que de nombreuses exploitations familiales pillent et vendent frauduleusement au Nigeria votre voisin, et utilisent les recettes pour acheter les armes et munitions”, déplorele gouverneur du Sud-Ouest. Le patron de cette région indiquait également qu’en raison de la crise, les commerçants ont fui et abandonné cette unité administrative, laissant les pauvres producteurs paysans à leur triste sort, sans intermédiaires d’achat.
De même, les entreprises régulières du secteur ont déserté la région abandonnant leur fonction de régulation.
“L’ONCC, qui était censé contrôler le registre des exportateurs agréés et la conformité de leurs autorisations n’est plus présent dans la région. En l’absence d’un marché organisé, les principaux acheteurs de cacao se sont retirés de la région, laissant les producteurs de cacao aux mains des terroristes qui pillent leurs récoltes, et des prédateurs qui se livrent à des spéculations et au coxing “, écrit le gouverneur.
Il a toutefois cité les mesures prises pour enrayer le fléau, notamment l’adoption et la diffusion à grande échelle, parmi les acteurs de l’industrie du cacao, d’un calendrier organisé des ventes de cacao dans des lieux désignés (marchés périodiques) sécurisé à l’avance à cette fin.
Okalia Bilai a également mentionné l’introduction de lettres de voiture spécifiant la quantité, la qualité et les origines des produits de cacao transportés, l’introduction d’escortes de sécurité pour des cultivateurs de cacao et les opérateurs économiques du secteur.
Il a par ailleurs cité le renforcement des mesures de sécurité au point de contrôle conjoint afin de mieux gérer la lutte contre la contrebande de produits agricoles, l’interdiction du chargement, de la navigation et du déchargement nocturne dans les ports de la région et les plages clandestines, considéré comme les points de sortie pour le cacao de contrebande.
Le gouverneur du Sud-ouest s’est montré optimiste en affirmant que les mesures prises localement ont certes contribué à réduire le phénomène, mais il a rapidement fait observer qu’«elles ne suffisent pas à l’enrayer, en raison du problème des voies d’accès aux bassins de production».
A l’en croire, ces mesures ne pourront porter des fruits qu’avec le retour des acteurs clés de la filière cacao-café, notamment l’ONCC, la CICC et la GEX, ainsi que des acheteurs agréés.
Le réseau d’exportation frauduleuse du cacao vers le Nigéria a réduit à néant les alertes du gouvernement.
Des informations circulent selon lesquelles les personnes impliquées dans ce commerce bénéficient de soutiens à l’intérieur du système gouvernant. L’avenir de la culture est également menacé depuis que les exportateurs locaux ont cessé de préfinancer les agriculteurs pour assurer la durabilité de la culture.
Dans une note de service relative à la procédure d’exportation des fèves de cacao,signée le 5 juin 2023, le Directeur Général des Douanes,Fongod Edwin Nuvaga, a souligné que les exportations frauduleuses de fèves de cacao sont une source de pertes budgétaires et de pénuries de matières premières pour l’industrie locale de transformation des fèves de cacao, ce qui nuit également à la mobilisation des ressources du Trésor public, ainsi qu’au tissu économique national.
«Afin de mettre fin à ces pratiques, je voudrais rappeler que l’exportation des fèves de cacao, quelque soit le point de sortie du pays, est soumises, entre autres, à la production obligatoire après du bureau de douane compétent».
Le DG des Douanes a pointé «une fiche de pré-liquidation délivrée par l’Office national du cacao et du café, le bulletin de qualité, le bon de commande ou le contrat de vente,une facture proforma. de la vente, la déclaration d’exportation auprès de la SGS, une domiciliation bancaire, un certificat/rapport d’emballage ou déchargement, le certificat phytosanitaire, le certificat d’origine/de circulation de la ZLECAF, le cas échéant en fonction de la destination». LeDg des Douanes a aussi rappelé que les fèves de cacao exportées en l’état sont soumises à un droit de sortie au taux de 10% de la valeur FOB, alors que ce taux est de 2% pour les produits de cacao après transformation.
Au total, l’on estime qu’au moins 30 à 40000 tonnes métriques de cacao ont été transférées du Cameroun au Nigeria au cours de la dernière campagne cacaoyère. On craint à présent que cette estimation n’atteigne 50000 tonnes métriques cette saison si des mesures d’urgence ne sont pas prises.
L’on craint qu’en cas d’abandon du secteur cacao aux Nigerians, la productivité diminuera fortement en raison de l’incapacité des s agriculteurs à économiser de l’argent pour l’achat d’intrants.
La situation a conduit à une concurrence déloyale,les entreprises locales étant incapables de rivaliser en raison du problème des voies de pratiques de marche malsaines .Cette situation a détourné les revenus, les bilans des entreprises légitimes, sapé leur capacité à créer des emplois et menacé l’existence de ces entreprises
Source: Mutations du 16 juin 2023