Une polémique enfle au Cameroun après les propos controversés tenus par Abel Elimbi Lobe, promoteur de Kwatal et figure connue pour son combat contre la spoliation des terres dans le Littoral. Dimanche dernier, sur le plateau de l’émission “Libre Expression” diffusée sur Info TV, il a qualifié Ernest Ouandié, figure emblématique de la lutte pour l’indépendance du Cameroun, de “grand bandit”. Des déclarations qui ont provoqué une vague d’indignation, poussant le parti politique APAR (Alliance Patriotique et Républicaine) à annoncer son intention de poursuivre en justice la chaîne de télévision et l’invité.
Un débat qui dérape
L’émission, qui portait sur le thème du vivre ensemble, visait à discuter des tensions intercommunautaires récentes, notamment après les événements de Meyo Centre, où un assassinat avait déclenché un soulèvement populaire contre les ressortissants étrangers. Cependant, avant d’aborder le sujet principal, le modérateur a donné la parole à Abel Elimbi Lobe pour qu’il réagisse à des propos tenus la semaine précédente par Valère Bessala. Ce dernier avait affirmé que le tribalisme au Cameroun avait été entretenu depuis l’époque coloniale, citant l’exemple des laissez-passer exigés pour les Bamilékés souhaitant se rendre dans le Centre.
Elimbi Lobe a cherché à “rétablir la vérité”, expliquant que les laissez-passer étaient une mesure administrative coloniale visant à contrôler les mouvements de population, et non une discrimination spécifique contre une communauté. Il a ensuite ajouté : “Si vous parlez de génocide bamiléké parce qu’on a tué des gens, les Mbo’o, les Bakaka, les Balou, les Mbakon du Moungo vont parler du génocide en accusant les Bamilékés d’Ernest Ouandié, qui ont brûlé des villages entiers dans le Moungo pour prendre des terres.”
C’est lorsqu’il a qualifié Ernest Ouandié de “grand bandit” que la controverse a éclaté. “Ernest Ouandié ne faisait pas de la politique. Le Cameroun était déjà indépendant. Il était un bandit. Il brûlait les villages pour rien”, a-t-il déclaré, suscitant une vive réaction de la part des téléspectateurs et des internautes.
Une indignation nationale
Les propos d’Elimbi Lobe ont été jugés inacceptables par une large partie de l’opinion publique. Ernest Ouandié, héros national et figure majeure de la lutte pour l’indépendance, est considéré comme un symbole de la résistance camerounaise. Pour beaucoup, l’attaquer de la sorte revient à remettre en question l’histoire et les sacrifices consentis pour l’indépendance du pays.
Sur le plateau même, Pierre Blériot Nyemeck, un autre invité, a exprimé son désaccord : “Moi, j’ai été choqué qu’il dise qu’Ernest Ouandié est un bandit. Ce n’est pas correct.”
APAR passe à l’offensive
Face à cette polémique, Célestin Djamen, représentant de l’APAR, a annoncé sur sa page Facebook que son association allait porter plainte contre Info TV et Abel Elimbi Lobe. “Le mouvement APAR va porter plainte contre Info TV et contre M. Elimbi Lobe. La ligne rouge a été franchie. Aucune nation au monde n’accepte qu’on traite un héros national de bandit. Vous allez assumer”, a-t-il déclaré.
Cette annonce relance le débat sur la responsabilité des médias et des invités dans la diffusion de propos controversés. Info TV, déjà critiquée par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) pour son rôle supposé dans la division sociale, se retrouve une nouvelle fois sous le feu des projecteurs.
Cet incident souligne l’importance de la retenue et du respect dans les débats publics, surtout lorsqu’il s’agit de figures historiques sensibles. Alors que le Cameroun continue de chercher un équilibre entre mémoire collective et réconciliation nationale, de tels propos risquent d’envenimer les tensions intercommunautaires.
La plainte annoncée par l’APAR pourrait marquer un tournant dans la manière dont les médias et les personnalités publiques abordent l’histoire et les sujets sensibles. Une chose est sûre : cette affaire ne laissera personne indifférent.
GN