Assemblée nationale : Nalova Lyonga mange la bouche devant les députés

Interpellée à l’Assemblée nationale sur la baisse du taux de réussite au baccalauréat, la ministre des enseignements secondaires a laissé croire que le taux d’échec enregistré l’année dernière serait dû à un  « souci d’équité » entre le sous-système francophone et le sous-système anglophone de l’enseignement secondaire. Faux, répondent les spécialistes de l’éducation.

Nalova Lyonga a eu du fil à retordre devant les députés. Interrogée sur la baisse du taux de réussite au baccalauréat de l’enseignement général francophone, la ministre a expliqué que cela est dû au fait que  la moyenne au baccalauréat général francophone a été délibérée à 10/20. Contrairement aux années antérieures où « les élèves du sous-système francophone étaient admis avec une moyenne inférieure à 10, alors que ceux du sous-système anglophone devaient obtenir une moyenne supérieure ou égale à 10 ».  

Cette harmonisation des moyennes des deux sous-systèmes serait donc selon elle la cause des résultats catastrophiques obtenus à la session 2024 du baccalauréat de l’enseignement secondaire général francophone.

Une explication qui peine à convaincre les professionnels de l’enseignement. Selon les résultats officiels le taux de réussite au baccalauréat session 2024 était de 37 % contre 75% pour l’année précédente.

Selon certains professionnels de l’éducation la chute du taux de réussite trouve des explications ailleurs. Les uns pointent du doigt les politiques publiques en matière d’éducation. « Cela est en partie dû aux mesures politiques qui ne visaient qu’à polir les chiffres aux yeux de l’UNESCO et des bailleurs de fonds qui financent l’éducation. L’une des plus grandes plaies est le système de la promotion collective au primaire. Et au bout de 6 ans, on a des enfants qui arrivaient en 6e sans savoir lire ni écrire. Et conscients du fait que cette génération de collégiens analphabètes n’allaient pas s’en sortir, ils ont instauré l’APC au secondaire pour les conforter. La conséquence directe est qu’on a des diplômés qui parfois ne savent pas lire et bien écrire », explique un enseignant du Lycée de Bilingue de Garoua.

La démotivation des enseignants

Le problème serait aussi lié à la qualité de l’enseignement en lui-même expliquent d’autres professionnels. Ils accusent certains enseignants issus de la promotion collective qui se retrouvent introduits dans le système éducatif. La démotivation des enseignants est également évoquée. « La baisse du taux de réussite aux examens est une traduction statistique de la baisse du niveau des apprenants. Cette baisse trouve ses raisons ailleurs. Parmi elles, la démotivation des enseignants. Beaucoup d’enseignants en fonction sont démotivés, parfois à cause des conditions d’apprentissage et ne donnent pas le meilleur d’eux-mêmes. En plus de cela, il n’y a même pas assez d’enseignants avec la fuite des cerveaux qui s’exilent pour des conditions économiques au Canada et ailleurs », soutient un enseignant du lycée d’Elig Essono.

Bien au-delà, il faut également noter la diminution des contenus d’enseignements, ainsi que les heures d’apprentissage.

La mort de l’enseignement public

Au sein du corps des enseignants, les explications ne manquent pas pour justifier la baisse du taux de réussite chez les élèves. Une des gangrènes qui éteint à petit feu l’éducation au Cameroun, est selon des avis, la mort de l’éducation public au profit de l’enseignement privé. « Les établissements publics se vident au profit des établissements privés. Pourtant les promoteurs de ces établissements qui ne sont pas toujours des professionnels de l’enseignement, n’ont pour objectifs que de se faire de l’argent », déplore un cadre du ministère des enseignements secondaires.

De quelle équité parle-t-elle? 

En se prononçant, pour la première fois de façon officielle, les raisons de la baisse du taux de réussite au baccalauréat 2024, Nalova Lyonga, la ministre des Enseignements secondaires a évoqué le souci d’équité. Cet argument suscite l’ire auprès de certains enseignants. « Les méthodes d’évaluation, les critères d’examination et les grilles de correction ne sont pas les mêmes dans l’un et l’autre sous-système:  Chez les anglophones on choisit le nombre de disciplines sur lesquelles on veut être évalué. Si je choisis Maths, anglais, Ecm et philosophie par exemple, ce ne sont que ces matières là que je suis pendant l’année et ce n’est que sur elles que je serai évalué et donc, j’ai déjà beaucoup de chance de réussir facilement. Par contre chez les francophones, il y a une panoplie de disciplines, parfois superflues au regard de l’orientation des candidats.  Un élève de Tle A4 est forcé de composer en maths, une matière qu’il ne comprend pas (pour la plupart). Ça fait déjà problème », explique un spécialiste au ministère. 

Des propos corroborés par un enseignant. « Savez-vous comment se déroulent les examens au sous-système anglophone? Une épreuve comme le Reading  comprehension est foncièrement basée sur un fond de tricherie à outrance, parfois avec la complicité des enseignants. Je suis dans un lycée bilingue et je sais de quoi je parle », avance un autre enseignant sans donner plus de détails. 

Bien plus, « un correcteur au G.C Board est de loin bien payé qu’un correcteur de n’importe quel examen OBC. Personne ne peut corriger un examen OBC et gagner 50-60000 F par session. Nalova vient créer un faux débat. Si elle veut parler d’équité, qu’elle harmonise donc les traitements en tout et pour tout », conclut l’enseignant.

Clientélisme

Nalova Lyonga, la ministre des enseignements s’exprimait devant les députés le 4decembre dernier lorsqu’elle a évoqué le sujet sur les délibérations.  Une mesure qui selon certains avis relèverait de la politique politicienne. « Il faut que le politique arrête souvent de plaire au peuple en venant imposer des critères de délibération trop larges qui peuvent contenter les ignorants mais au fond, cela n’aide personne. Nous avons des bacheliers qui ne peuvent pas former une phrase simple…. Ils vont devenir quoi? », se demande un pédagogue.

L’on apprend d’ailleurs que les conséquences de cette politique clientéliste inquièteraient même déjà les partenaires internationaux.  « Il n’y a pas longtemps, l’UNESCO a interpellé le Cameroun sur la baisse de niveau de ses diplômés, et par-là la qualité mm des diplômes délivrés. Voilà pourquoi la présidence s’est saisi de l’affaire pour intimer l’ordre de délibérer à 10 de moyenne », confie une source au palais.

Joseph Essama

Mimi Mefo Info

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