Après avoir accusé son patron, le président de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC) de harcèlement sexuel, Judith Esperance Tsemo a finalement été licenciée après plusieurs conseils de discipline où elle ne s’est pas présentée. La décision de son renvoi signée de la main celui-même qu’elle accuse pour des affaires de mœurs sonne comme une déculottée aux droits de l’homme dans une institution dont la principale mission est la protection des droits de l’homme.
Le harcèlement sous toutes ses formes pourrait désormais passer pour être le mode de gouvernance à la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC). Après avoir dit être harcelée sexuellement par James Mouangue Kobila, le président de la CDHC, voici dame Judith Esperance Tsemo qui est encore harcelé sur le plan professionnel. Hier 28 février, sa décision de licenciement a été signée de la main de celui-même qui est accusé d’être son harceleur. Un acte qui raisonne comme une bravade aux droits de l’homme dans une institution qui a pour mission de protéger les droits de l’homme.
Le licenciement de celle qui était jusque-là chef service de la traduction à la CDHC intervient après un énième conseil de discipline où cette dernière ne s’est pas présentée. « Le Conseil de discipline, siégeant en ses sessions des 25 janvier, 13 et 27 février 2024 a, après avoir délibéré et constaté que les faits qui lui (Ndlr) sont reprochés sont établis, émis un avis en faveur de son licenciement…pour fautes lourdes”, fait savoir un document du Conseil de discipline Ad Hoc. Le Conseil de discipline de la Cdhc lui reproche les “défaillances et négligences graves dans l’accomplissement de vos tâches professionnelles; insubordination caractérisée et désobéissance envers la hiérarchie…” A cela s’ajoute, les “retards excessifs en permanence, absences non justifiées, répétées et prolongées.”
Une fois relayée, la décision de licenciement signée par James Mouangue Kobila est très mal perçue au sein de l’opinion et des professionnels du droit. « Le préalable avant de prendre la sanction contre cette dame aurait été que le président de la commission qui signe le document puisse être blanchi des accusations portées contre lui, surtout qu’elles visent les bonnes mœurs », commente un juriste. Début janvier, le président de la CDHC avait été la cible d’une plainte pour, entre autres, « harcèlement sexuel », « outrage privé à la pudeur », « menaces sous conditions », « chantage », « blessures légères » et « diffamation ». Des accusations portées par dame Tsemo. L’affaire est encore pendante devant les tribunaux.
Un licenciement qui est en effet un non-sens et qui augmente plutôt la suspicion chez le citoyen. « L’ayant fait licencié avant toute décision préalable, il a créé un esprit de suspicion grave. Le citoyen lambda peut croire qu’il a voulu évincer près de lui une personne gênante tant sa personne que l’institution qu’il incarne. Comment peut-il prononcer le licenciement d’une employée en lui refusant le droit au préavis qui lui est reconnu de droit ? Sur quelle base ou quelle décision interne ce texte a été pris ? Qu’entend-il par faute lourde ? Comment cette faute a été constatée ? Telles peuvent être autant de questions qui devront trouver des réponses », commente un avocat au barreau du Cameroun.
« Et à coup sûr si cette dame se tourne vers le juge administratif pour solliciter la suspension puis l’annulation de cet acte, ou devant le juge social pour réclamer ses droits pour licenciement abusif, elle aura gain de cause », ajoute-t-il.
Entre temps, plusieurs ONG dont Mandela Center exige la démission de James Mouangue Kobila, qui selon elles, « n’est plus digne de défendre les intérêts de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC) ».
Joseph Essama