Vitté, une localité de l’arrondissement de Mogodé, dans le département du Mayo-Tsanaga (Extrême-Nord), est en pleine révolte. La communauté rejette l’installation du nouveau Lawane par le sous-préfet de Mogodé, Charles Aurélien Bertrand Eyobo Mbonjo, une décision prise sans consultation des notables ni annonce officielle de la vacance du poste. Les habitants, pris de court, refusent qu’on leur impose un chef, une situation qui a rapidement dégénéré.
Pourtant, Vitté est une communauté solidaire et engagée. À travers leur comité de développement, les habitants ont construit plusieurs salles de classe et un centre de santé, prenant en main leur avenir sans attendre l’intervention de l’État. Mais La situation actuelle a profondément divisé la population.
Une réunion d’urgence a été convoquée pour apaiser les tensions et ramener la paix, mais le sous-préfet de Mogodé l’a annulée, plongeant la communauté dans une impasse. Aujourd’hui, le comité de développement est paralysé. Ceux qui sont venus de Douala, Yaoundé et d’autres villes du Cameroun, contribuaient financièrement ont décidé de suspendre leur soutien, refusant de cautionner ce qu’ils considèrent comme une dictature administrative.
Cette crise a des conséquences directes sur les élèves de Vitté, qui attendaient la réalisation de projets essentiels, comme l’accès à l’eau potable et l’acquisition de nouveaux bancs pour l’école primaire. Désormais, la question se pose : le sous-préfet prendra-t-il ses responsabilités en sollicitant l’État pour répondre aux besoins urgents de cette communauté en détresse ?
La situation à Vitté reflète des conflits similaires qui couvent dans d’autres régions du Cameroun. Dans la région du Sud-Ouest, par exemple, les allégations d’imposition de chefs soutenus par le gouvernement ont exacerbé les tensions existantes liées à la crise anglophone. Des communautés qui ont historiquement suivi des lignées héréditaires spécifiques se sont retrouvées avec des chefs nommés par des forces politiques externes, ce qui a souvent conduit à de longues batailles juridiques et à des éruptions de violence. Des rapports de la région du Nord-Ouest font également état de cas où des conseils traditionnels ont été mis à l’écart au profit de personnes perçues comme plus alignées sur le parti politique au pouvoir.
Ces interventions sont souvent justifiées par les autorités comme nécessaires pour maintenir l’ordre ou pour s’assurer que les chefs traditionnels sont “progressistes” et soutiennent les politiques gouvernementales. Cependant, les critiques soutiennent que cela constitue une manipulation flagrante des structures traditionnelles à des fins politiques, minant l’essence même de ces institutions en tant que gardiennes de la culture locale et de la cohésion sociale.
L’imposition de chefs peut avoir des conséquences considérables au-delà de la communauté immédiate. Elle peut éroder la confiance entre la population et les autorités de l’État, alimentant le ressentiment et un sentiment de privation de droits. Lorsque les communautés sentent que leurs voix ne sont pas entendues et que leurs traditions sont ignorées, cela peut créer un terreau fertile pour les troubles sociaux et entraver tout effort véritable de développement local et d’unité nationale.