Le débat sur la publication de la liste électorale nationale pour l’année 2024 prend un nouveau tournant devant la Cour Suprême. Dans une affaire opposant le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) à Elections Cameroon (ELECAM), le Collectif Sylvain Souop a officiellement déposé, ce 2 juin, un mémoire ampliatif venant étoffer le pourvoi introduit par le parti d’opposition en mars dernier.
Le recours vise à obtenir la cassation d’un arrêt rendu le 18 février 2025 par la Cour d’appel du Centre, qui s’était déclarée incompétente pour se prononcer sur le silence du Conseil Électoral d’ELECAM concernant une demande de publication forcée de la liste électorale nationale de 2024. Ce refus implicite, selon le MRC, constituerait une entrave à la transparence du processus électoral à l’approche des présidentielles prévues pour 2025.
Dans son mémoire, le MRC conteste vigoureusement la position de la Cour d’appel, accusée de s’être soustraite à la doctrine du Conseil Constitutionnel, énoncée dans sa décision du 21 janvier 2025. Cette dernière avait, selon les avocats du parti, clairement élargi les compétences de la Cour d’appel en matière préélectorale, au-delà des trois cas expressément mentionnés à l’article 81 du Code électoral.

En qualifiant cette décision d’« excès de pouvoir négatif », le MRC accuse la Cour d’appel d’avoir refusé d’appliquer une directive juridiquement contraignante du Conseil Constitutionnel, au mépris de l’article 50 de la Constitution, qui précise que les décisions du Conseil « s’imposent à tous, y compris aux juridictions ».
Le mémoire dénonce également une forme de dévoiement institutionnel, soulignant que, par une suite de renvois de compétence, ni la Cour d’appel, ni le juge administratif (dans une affaire similaire en octobre 2024), n’ont assumé leur rôle dans le règlement du litige portant sur l’obligation de transparence électorale. Cette « chaîne d’évitements » est perçue par le MRC comme une tentative de diluer la responsabilité et de retarder l’application des textes électoraux.
Le dossier est désormais entre les mains de la plus haute juridiction du pays, appelée à trancher sur la portée réelle des décisions du Conseil Constitutionnel et sur l’obligation de publicité légale des listes électorales en période préélectorale.
En attendant la réaction d’ELECAM et celle du ministère public – qui, en appel, avait soutenu la thèse d’un refus d’appliquer la décision constitutionnelle – les regards se tournent vers la Cour Suprême. Sa décision sera scrutée non seulement pour ses implications juridiques, mais aussi pour le signal qu’elle enverra à l’ensemble des acteurs politiques et institutionnels à quelques mois d’une élection présidentielle.
La suite du feuilleton judiciaire sera suivie de près par l’opinion publique, tant l’enjeu dépasse le simple différend juridique pour toucher au cœur même de la démocratie camerounaise.