Le 11 mars, la Chambre des représentants du Nigeria a pris une mesure controversée en ordonnant à la Commission nigériane des communications (NCC) de bloquer l’accès aux sites web hébergeant du contenu pornographique. Cette décision, impulsée par le député Dalhatu Tafoki, engendre de vives réactions au sein du secteur numérique et parmi les défenseurs des libertés individuelles.
Les critiques de cette initiative s’élèvent contre une censure qu’ils jugent excessive. Gbenga Sesan, directeur exécutif de Paradigm Initiative, une organisation qui milite pour la liberté d’internet, a exprimé son inquiétude face à cette obsession de l’Assemblée nationale pour la pornographie, tout en soulignant que d’autres menaces numériques plus sérieuses demeurent non traitées. « L’obsession de notre Assemblée nationale pour la pornographie, alors que d’autres menaces numériques plus sérieuses persistent, est préoccupante », a-t-il déclaré au micro de The Punch.
Muhammed Rudman, directeur du Point d’échange internet du Nigeria, partage également cette inquiétude. Il estime que toute forme de censure risque d’entraver les droits des citoyens. En revanche, le député Tafoki justifie la proposition de loi par des préoccupations morales, sanitaires et sociétales, évoquant des problèmes tels que l’adultère et la prostitution. Selon lui, la pornographie en ligne représente un danger croissant, nécessitant une réponse législative urgente.
La loi, adoptée le 11 mars, impose à la NCC de mettre en œuvre cette interdiction sans délai et de sanctionner les fournisseurs d’accès Internet qui ne s’y conformeraient pas. Tafoki a souligné que le Nigeria, un pays profondément religieux, voit toutes ses grandes religions condamner la nudité et l’obscénité sous toutes leurs formes.
Cependant, au-delà des considérations religieuses et morales, cette décision soulève des questions plus larges concernant ses implications dans un environnement numérique en pleine expansion. Le Nigeria est reconnu pour avoir l’une des économies numériques les plus dynamiques d’Afrique. D’après le Bureau national des statistiques du Nigeria (NBS), la contribution des technologies de l’information et de la communication (TIC) représente environ 17,6 % du produit intérieur brut (PIB) réel en 2024.Les restrictions sur l’accès à Internet pourraient nuire à cette croissance, notamment pour les activités économiques numériques, qui dépendent en partie des revenus publicitaires générés par diverses plateformes en ligne.
L’impact de telles mesures est illustré par la suspension de Twitter pendant sept mois en 2021, qui a coûté à l’économie nigériane environ 26,1 milliards de dollars en termes commerciaux, selon Chinyere Almona, directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie de Lagos (LCCI).
Il est également intéressant de noter que des sites de contenu pour adultes, comme PornHub, qui reçoit environ 120 milliards de visites par an, se classent parmi les plus consultés au monde, devançant même des plateformes telles que X (anciennement Twitter) et Wikipedia. Deux autres sites pour adultes figurent également parmi les 33 sites les plus fréquentés, selon un classement de 2025 de Hosting Advice.
GN avec agence Ecofin