International Relations & Diplomacy

Les Camerounais perdent beaucoup d’argent suite au refus de visa Schengen

En 2024, plus de la moitié des demandes de visa Schengen déposées par des Camerounais ont été rejetées. Une situation qui place le pays parmi les plus pénalisés d’Afrique, avec des milliers de citoyens contraints de payer des frais non remboursables pour un sésame toujours plus inaccessible. Derrière les justifications administratives, une réalité amère se dessine : l’Europe ferme ses portes tout en profitant financièrement du désespoir des jeunes Camerounais.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2024, sur les 51 659 demandes de visa Schengen enregistrées auprès des ambassades européennes au Cameroun, près de 20 000 ont été refusées, soit un taux de rejet de 38,1%. Une statistique qui place le pays dans le top 10 africain des États les plus touchés par cette politique restrictive, derrière les Comores (62,8%) et le Sénégal (46,8%).

Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut se pencher sur le sort des demandeurs camerounais. Chaque dossier rejeté signifie 80 euros perdus, une somme non négligeable dans un pays où le salaire moyen ne dépasse pas 60 000 FCFA. Au total, ce sont près de 1,6 million d’euros qui partent en fumée chaque année, sans compter les frais annexes : déplacements à Yaoundé ou Douala pour les entretiens, photocopies certifiées, traductions assermentées… Autant de dépenses qui grèvent le budget de familles déjà précaires.

Les motifs de refus invoqués par les consulats européens « risque migratoire », « ressources insuffisantes » ou « manque de preuves de retour » cachent mal une réalité plus crue. « J’ai présenté un contrat de travail, un compte bancaire approvisionné et une attestation de propriété. Résultat : refus sans explication claire », témoigne Stéphane, ingénieur ayant postulé pour une formation en Allemagne. Comme lui, des milliers de jeunes professionnels ou étudiants voient leurs projets anéantis par une décision arbitraire.

La situation est d’autant plus paradoxale que certains pays bénéficient de traitement de faveur. Alors que le Kosovo a été exempté de visa en 2024, réduisant mécaniquement ses taux de refus, le Cameroun reste soumis à des exigences toujours plus strictes. Même les dossiers les plus complets ne garantissent pas l’obtention du précieux sésame. « C’est comme une loterie », soupire une employée d’une société de conseil en visas. « Certains jours, les officiers semblent plus sévères sans raison apparente. »

Au-delà des considérations administratives, le traitement des demandeurs camerounais interroge. Les récits d’attente interminable, d’entretiens expédiés en cinq minutes ou de documents perdus par les consulats abondent sur les réseaux sociaux. « On nous fait sentir que notre demande est une faveur, pas un droit », déplore une étudiante recalée deux fois de suite.

“Les refus de visas font perdre aux Camerounais plus de 100 Millards chaque année. Il y’a lieu de dénoncer ces pratiques qui consistent à surfer sur le désespoir et la misère des Camerounais pour s’enrichir. Il est urgent et crucial de faire en sorte que les frais de différents Visas ne soient dûs que lorsque le visa est probable afin d’éviter l’enrichissement immoral des Missions diplomatiques accrédités dans notre pays.” A affirmé la députée PCRN Nourane Fotsing

Cette défiance européenne a un coût humain. Chaque refus signifie une formation avortée, un contrat annulé ou une opportunité professionnelle perdue. Pour un pays qui lutte déjà contre la fuite des cerveaux, ces obstacles supplémentaires ne font qu’aggraver le phénomène. « Beaucoup de jeunes talentueux finissent par renoncer et tentent leur chance ailleurs, souvent dans des conditions périlleuses », analyse un sociologue camerounais.

Quelles solutions ?

Face à ce constat accablant, les autorités camerounaises restent étrangement silencieuses. Pourtant, des pistes existent pour inverser la tendance :

  • Renégocier les accords bilatéraux avec les pays européens les plus restrictifs
  • Mettre en place un système de recours efficace contre les décisions arbitraires
  • Développer des alternatives en facilitant les visas pour d’autres destinations (Asie, Amérique latine)

Alors que l’Afrique dans son ensemble a perdu plus de 40 milliards FCFA en frais de visa non remboursables cette année, la question se pose : jusqu’à quand les pays du continent accepteront-ils cette relation déséquilibrée ? Pour le Cameroun, dont la jeunesse se heurte quotidiennement aux portes closes de l’Europe, la réponse ne peut plus attendre.

Gilles Noubissi

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