Retour sur le séjour du fils du chef de l’État dans les régions septentrionales du pays.
Le fils aîné du chef de l’État en visite dans la région du Nord les 5 et 6 novembre 2022, a été accueilli comme une véritable star. D’abord à Rey-Bouba par le lamido Aboubakary Abdoulaye puis à Garoua, au cours du meeting de célébration des 40 ans du renouveau et enfin au lamidat de la ville.
Franck Emmanuel Biya n’est pas familier de cette partie du pays et son déplacement, alors que la succession de son père à la tête du pays anime les débats ici et là, a laissé place à de nombreux commentaires. Certains média, peu au fait des réalités et subtilités des régions septentrionales, ont vite fait de titrer sur l’adoubement du fils du Président par cette partie du pays dont la position de faiseur de Rois n’est plus à démontrer. En réalité, la visite de Franck Emmanuel Biya s’est malencontreusement retournée contre lui sur le plan politique.
Outre le fait qu’elle a ramené sur la table de débat sur les réelles intentions, elle a obligé les acteurs de premier plan à clarifier leurs positions. En premier lieu, son hôte Aboubakary Abdoulaye, tout-puissant lamido de Rey-Bouba, premier vice-président du Sénat et responsable pour la région du Nord du parti au pouvoir, le Rdpc. Celui dont la famille entretien des liens étroits avec la famille présidentielle a été contraint de donner des explications publiques à sa communauté qui s’apparente à une prise de distance avec son invité.
“Le lamido a compris qu’il était dans le viseur de sa communauté comme celui qui tentait de faire entrer le loup dans la bergerie et pour se dédouaner, a expliqué publiquement pourquoi Franck Biya lui avait rendu visite; laquelle avait trait au décès de sa mère. Il a donc déclaré à Garoua, le 6 novembre, que “je sais que les gens vont voir en cela un agenda caché mais il n’en était rien”, explique Souleymanou Dalil, jeune homme d’affaires et militant du Mayo-Louti. Aboubakary Abdoulaye a bien pris soin de s’exprimer dans le dialecte local le plus parlé: le fufulde; prenant ainsi date avec l’histoire. “La pression était trop forte et il a pris la plus sage décision en clarifiant le jeu et les enjeux de la visite de Franck Biya, autrement, cette étiquette l’aurait marqué.
Dans la situation actuelle où les Nordistes pensent effectivement qu’un des leurs pourrait revenir au pouvoir, ne pas jouer la carte communautaire est un gros risque politique et il a compris” poursuit Gabriel Haman, enseignant à Garoua. S’il affirme n’avoir pas été convaincu par l’argumentaire du chef traditionnel, il n’en retient pas moins ses bonnes dispositions”Sadou Hayatou est mort on ne l’a pas vu, Alim Hayatou est mort, non plus…
Le deuil n’est qu’un prétexte, mais comme l’affaire n’a pas mordu, il a rétropédalé”, tente de justifier ce diplômé de l’enseignement supérieur en quête d’emploi. Franck Biya plombé Et ce n’est pas tout Issa Tchiroma, membre du gouvernement, président du FSNC (Front pour le Salut National du Cameroun) et soutien indéfectible du chef de l’État ces dernières années, a opportunément profité de cette tribune du 6 novembre 2022 à Garoua pour rappeler la seule et unique alliance politique du Grand Nord: celle qui la lie au chef de l’État Paul Biya. Traduction: après Paul Biya, rien n’engage plus politiquement les régions septentrionales.
Un tel désaveu public, qui plus est d’un membre du gouvernement en fonction, a fini de convaincre de la détermination des Nordistes à trouver leur propre voie dans la bataille de succession. “Le problème avec tout ceci c’est que Franck Emmanuel Biya ne peut même pas se défendre. Il n’a jamais dit qu’il était candidat à la succession de son père et pourtant il est traité comme tel, mais j’avoue que les gens sont de plus en plus réticents à cette idée. Ils disent que son père n’a rien fait pour le Grand Nord en 40 ans et il et qu’il n’y a plus rien à attendre ni de son père encore moins de lui, qui n’a fait ses preuves nulle part. Sa page se tourne ici devant nous alors même qu’elle n’avait pas été ouverte”, affirme, dépité, Jean-Marc Sousou, qui se revendique pourtant du mouvement des Frankistes.
Les chef traditionnels en colère. Même désamour chez les chefs traditionnels qui l’ accusent d’avoir créé une certaine hiérarchie dans leurs rangs en choisissant du haut de son titre de fils de chef d’État, d’élever certains des leurs au détriment de la grande majorité. “C’est plus une question de symbole que de politique. Nous chefs traditionnels, en dehors de la symbolique, n’avons plus la puissance politique d’antan. Le lamido de Rey-Bouba a bien perdu les élections communales à Touboro… Nous sommes un certain nombre à considérer qu’il nous a manqué de respect. Chaque chefferie est autonome, et ce ne sont ni les chefs de Garoua ni ceux de Rey-Bouba qui viendrait nous dire de faire ceci ou cela. Si son père avait traité les chefs comme il semble le faire, il n’aurait pas eu leur appui”, affirme un chef traditionnel de la région du Nord.