L’odeur âcre de la ferraille et du métal brûlé flottait encore dans l’atelier de soudure du quartier Meoulou lorsque les gendarmes ont fait irruption. Dans ce garage transformé en arsenal de fortune, quatre adolescents âgés de 15 à 17 ans bricolaient des armes à feu artisanales, copiant avec une précision troublante des modèles de Kalachnikov et de FAMAS. Trois d’entre eux ont été interpellés, tandis qu’un quatrième a pris la fuite.
Tout a commencé par un hasard. Le propriétaire des lieux, absent pour des obsèques familiales, est revenu plus tôt que prévu. Ce qu’il a découvert l’a glacé : des croquis techniques de fusils d’assaut griffonnés sur des morceaux de carton, des pièces métalliques soigneusement découpées. « Ils m’ont dit qu’ils dessinaient parce qu’il n’y avait pas d’électricité », raconte-t-il, encore sous le choc. « Mais quand j’ai vu qu’ils essayaient de fabriquer, je leur ai demandé de laver ça à l’eau pour effacer (…) Dès que je suis parti pour enterrer mon père, ils sont restés par derrière fabriquer ça”. Ils avaient réussir la fabrication d’armes dans cet atelier de soudure qui n’avait jusqu’alors pas la réputation d’être un lieu suspect.
Alertée, la brigade de gendarmerie locale est intervenue en moins de vingt minutes. Les trois adolescents présents sur place ont été immédiatement appréhendés, tandis que le quatrième, plus agile, a disparu. Les armes saisies, bien que rudimentaires, avaient déjà été montées.
Originaires du Nord-Ouest, une région en proie à des violences séparatistes depuis près de huit ans, ces jeunes lèvent de vives interrogations. S’agissait-il d’un simple gang voulant terroriser leur quartier, ou d’une cellule dormante liée aux groupes armés sécessionnistes ? « Nous ne pouvons exclure aucune piste », confie la gendarmerie au micro du confrère. « Le timing est troublant, à quelques semaines de la Fête de l’Unité. »
En effet, selon Canal 2, “des groupes séparatistes planifieraient des actions perturbatrices en marge de la célébration de la fête de l’unité”. Une information qui va certainement alimenter la peur, dans un contexte où le Cameroun s’apprête à élire le nouveau président de la république dans quelques mois.
Les trois adolescents interpellés, mineurs, seront jugés dans les prochaines semaines. Leur profil intrigue : aucun n’a de casier judiciaire, mais leurs compétences techniques en métallurgie et leur connaissance des armes à feu interpellent. « Ces gamins ont grandi dans un contexte de guerre. Ils reproduisent ce qu’ils voient », analyse un travailleur social de la région.
Quant au fugitif, les recherches se poursuivent. Son visage, capturé par des caméras de surveillance, a été diffusé à toutes les brigades de gendarmerie du pays.
Dans les ruelles de Meoulou, l’inquiétude grandit. Entre la peur des représailles et les questions sans réponses, les habitants s’interrogent : cette découverte de cette fabrication d’armes n’est-elle que la partie émergée d’un iceberg bien plus sombre ?