Cameroon

Un jeune rappelle au ministre Atanga Nji que les chefs traditionnels n’ont plus d’impacts sur leur peuple

Dans une lettre ouverte adressée au ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, Hamadou Habibou président de la Confédération des Associations des Jeunes Solidaires du Cameroun dresse un tableau sans concession de la perte progressive d’influence des lamibés et des chefs traditionnels au Cameroun. À travers un argumentaire étayé, il met en lumière la lente déstructuration des chefferies traditionnelles, jadis pilier central des communautés, et leur marginalisation face à l’État moderne.

Un Pouvoir Traditionnel Révolu

Avant l’avènement de l’État colonial et moderne, les lamibés, ces chefs traditionnels vénérés, exerçaient une autorité quasi divine sur leurs communautés. Ils régnaient sans partage, incarnant la justice, le lien social et le pouvoir spirituel. Cependant, l’introduction des structures étatiques modernes a profondément bouleversé cet équilibre. L’État, d’abord colonial, puis indépendant, s’est progressivement imposé comme la principale autorité, reléguant les chefferies traditionnelles à des rôles subalternes.

La démystification des chefs traditionnels a été facilitée par un système judiciaire et administratif moderne, qui a limité leur champ d’action. Le décret de 1969 a marqué un tournant décisif en circonscrivant leurs compétences aux affaires coutumières liées aux terres, aux mariages, aux testaments et à la tutelle. Ainsi, les juridictions modernes, souvent déconnectées des réalités culturelles locales, ont pris le pas sur les juridictions traditionnelles, réduisant considérablement leur pouvoir.

Une Stratégie de Marginalisation

Hamadou Habibou souligne que l’affaiblissement des chefferies traditionnelles n’est pas un effet du hasard, mais le fruit d’un processus délibéré. L’État colonial, puis postcolonial, a méthodiquement érodé l’autorité des chefs en sapant leur base judiciaire et en transférant leurs compétences à des institutions modernes. L’introduction de lois permettant aux citoyens de refuser d’être jugés par des juridictions traditionnelles a accentué cette marginalisation, contribuant à banaliser leur rôle.

Par ailleurs, la montée des organisations de défense des droits de l’homme a fragilisé davantage les chefs traditionnels, les obligeant à adopter une posture plus prudente pour éviter des accusations de violations des droits fondamentaux. Ce contexte a progressivement éteint l’aura d’autorité et de respect dont jouissaient les lamibés.

Des Figures Autrefois Incontournables

La lettre rappelle toutefois des épisodes historiques illustrant la puissance passée des chefs traditionnels. Le refus du lamido de Maroua d’accueillir le président Ahmadou Ahidjo ou encore le rejet de Bello Bouba par le lamido de Rey témoignent de l’autonomie dont jouissaient ces figures traditionnelles. Ces anecdotes contrastent fortement avec la situation actuelle, où les lamibés peinent à exercer une quelconque influence significative sur leurs communautés.

Une Influence Résiduelle à des Fins Politiques

Curieusement, malgré leur perte d’autorité, le régime actuel semble vouloir s’appuyer sur les chefferies traditionnelles pour mobiliser les populations en période électorale. Hamadou Habibou souligne l’ironie de cette situation, estimant que les lamibés n’ont plus la capacité d’influencer les choix politiques de leurs communautés, y compris au sein de leurs propres familles. À titre d’exemple, il cite Yerima Halirou, un jeune intellectuel de Maroua engagé dans l’opposition au sein du MRC, qui s’oppose ouvertement à son oncle, l’actuel lamido de Maroua.

En guise de défi, l’auteur invite Paul Atanga Nji à prouver l’influence des chefs traditionnels en demandant au lamido de Maroua de convaincre un militant du MRC, Baba Mariam, de rejoindre les rangs du RDPC. Une tâche qui, selon lui, soulignerait l’ampleur de la désaffection des populations vis-à-vis de ces figures autrefois dominantes.

Gilles Noubissie

Mimi Mefo Info Francais (Editor)

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