Comment l’État prive les élèves d’une éducation de qualité à l’Extrême-Nord – Incapable d’équiper les établissements scolaires de la localité des moyens adéquats pour une meilleure éducation des apprenants, l’État manœuvre également pour bloquer les initiatives citoyennes qui souhaitent venir en aide aux écoles.
C’est incroyable, mais vrai. L’État dans la région de l’Extrême Nord fait feu de tout bois pour maintenir les élèves dans des conditions d’apprentissage manifestement non appropriées. Dans une lettre adressée aux inspecteurs d’arrondissement, le délégué départemental du Logone et Chari du ministère de l’Éducation de base soumet les cérémonies de don au sein des écoles primaires au contrôle des autorités administratives. « Il m’a été donné de constater que des cérémonies sont organisées par des tierces personnes dans les écoles publiques à l’insu des responsables scolaires et notamment des autorités administratives de la circonscription. J’ai l’honneur de vous demander de rappeler aux directeurs d’écoles que toute cérémonie de remise d’un don à l’école maternelle publique ou primaire publique doit être présidée par une autorité administrative. Aussi, je vous demande de sensibiliser les directeurs d’écoles et me rapporter les éventuelles difficultés, » lit-on dans une lettre signée le 7 novembre dernier par Ahmed Khaled.
Sous CAPE, on apprend que cette circulaire fait suite à la volonté des autorités de bloquer une initiative du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), visant à offrir 54 tables bancs à une école primaire dans le département du Logone et Chari. Selon nos sources, « le don des tables bancs avait déjà été fait, dans une école qui n’a jamais eu de tables bancs depuis sa création. Et les autorités mettent la pression pour que ces tables bancs soient restituées, » explique notre source. Une des personnalités visées par ces accusations, le délégué département du Logone et Chari, qui indique qu’il « préfère que les élèves s’asseyent à même le sol, plutôt que de recevoir un don du MRC ».
Contacté, Mamadou Mota, le vice-président national du MRC, est particulièrement amer. « Voici une note qu’il sort pour un don citoyen donné à l’APE de l’école, alors même que cette école n’a pas de tables depuis sa création. Il fait partie de cette élite méchante du nord qui a bénéficié de tout le confort nécessaire pour avoir une bonne éducation, mais bloque l’éducation des enfants des pauvres afin de favoriser la division de classe sociale qui favorise leur progéniture, » affirme le vice-président du MRC,. Pour lui, « il s’agit simplement pour eux de bloquer le peuple dans une misère perpétuelle pour le persuader qu’il ne peut rien », ajoute Mamadou Mota, sans manquer d’accuser le délégué départemental de détourner les fonds dédiés aux projets de l’éducation.
Selon les données non actualisées publiées par l’UNESCO, l’analphabétisme touche près de 30 % des personnes âgées de 15 ans et plus en 2001. Ce taux est de 44,3 % en zone rurale contre 12,2 % en zone urbaine. Par ailleurs, il est plus élevé dans les provinces septentrionales : 60 % dans l’Adamaoua, 68 % dans le Nord et 76 % dans l’Extrême-Nord. C’est dans la même région de l’Extrême-Nord qu’on retrouve également le plus grand nombre d’écoles où les élèves sont assis à même le sol.