L’éditorial de Georges Alain BOYOMO, le directeur de publication de Mutations
L’odyssée de Basile Atangana Kouna (BAK) à Kondengui s’écrit en boucle. Embastillé en mars 2018 pour détournements de deniers publics, la remise en liberté de l’ancien ministre de l’Eau et de l’Énergie (Minee) a été marquée de rebondissements comme la chronique de son arrestation.
À l’époque, il avait fallu que des agents spécialisés aillent cueillir “Don Basilio” au Nigeria, après une tentative d’évasion manquée et le ramènent manu militari au bercail pour sa mise en détention provisoire.
L’ancien directeur général de la Cameroon Water Utilities (Camwater) écopera ainsi, dans un premier temps, d’une peine de 12 mois de prison et d’une amende d’un million Fcfa, le 7 février 2020, du fait de cette chevauchée infructueuse, précisément pour “émigration clandestine aggravée”, avant d’affronter le juge pour le principal dossier retenu contre lui, en rapport avec sa gestion à Camwater.
2 décembre 2020, rebondissement dans l’affaire Atangana Kouna : le ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, “sur très hautes instructions” du chef de l’État demande au ministre de la Justice, en lien avec le ministre des Finances, de mettre en œuvre les modalités de restitution du corps du délit au trésor public, soit environ 1,2 milliard Fcfa et en bout de diligences, la libération de l’ancien Minee. On croit alors entrevoir le bout du tunnel pour BAK. Que non! Le Tribunal criminel spécial (TCS) ne s’exécute pas.
Les avocats du détenu parlent d’un “rouleau compresseur” et crient au “dilatoire” de la Justice. D’autres analystes estiment plutôt que Basile Atangana Kouna est simplement une victime collatérale de la guerre de chefs au sein du sérail.
25 juillet 2022: Nouveau rebondissement. Dans une correspondance sur un ton martial, le Sg/Pr “réitère” au garde des Sceaux les “très hautes instructions” du chef de l’État visant l’arrêt des poursuites au bénéfice de Basile Atangana Kouna. Le 29 juillet, soit quatre jours plus tard, le procureur près le TCS, met enfin à exécution les directives présidentielles.
C’est un Basile Atangana Kouna, les yeux ronds d’extase, toujours aussi attaché à l’éclat de sa mise vestimentaire qui apparaît dans des photos et vidéos au grand public. Les youyous et vivats de ses proches transportés de joie l’accompagnent jusqu’à sa villa dont l’intérieur transpire le luxe. Une prière est dite et on peut apercevoir Atangana Kouna faire machinalement le signe de croix. Il revient de loin !
Malgré les vicissitudes, “changer Don Basilio, c’est jouer les Don Quichotte”, dégainent en chœur ceux qui abhorrent ce goût pour l’ostentation, même en des circonstances qui commandent discrétion et modestie.
De fait, alors qu’il croupissait encore à Kondengui, les réseaux sociaux s’étaient déjà fait l’écho de son incroyable anniversaire. Vêtu d’un chic boubou blanc, la mine nullement défaite et dominant un imposant gâteau ainsi que des vins et spiritueux luxueux, le golden boy de Mbalelon, entouré de sa famille, avait soufflé la bougie d’usage. Toutes choses qui avaient indigné la Toile, estomaquée par le caractère princier de la célébration, dans une cellule VIP.
L’eau a coulé sous les ponts et BAK est resté droit dans ses bottes. Alors qu’il a recouvré la liberté, le débat ne s’arrête pas sur la réparation du préjudice qu’il a causé à la société et la politique de deux poids, deux mesures… Les coupures d’eau potable gagnent en intensité et d’aucuns ne tarissent pas de griefs à son endroit.
En revanche, d’autres estiment que la clémence présidentielle à l’égard de Basile Atangana Kouna est justifiée car l’ancien ministre a fait acte de contrition. Il n’est pas le premier au bataillon. Le dernier mot revient au tribunal de l’Histoire.