L’éditorial du Directeur de Publication du quotidien privé Mutations dans l’édition du 20 mars.
Cirque électoral, Par Georges Alain Boyomo.
Il est des élections au Cameroun comme de la Tour de Pise, monument italien célèbre et insolite, haut de 55,86 m, qui est irrémédiablement penché d’un côté.
En effet, hormis les élections législatives et présidentielle de 1992, au cours desquelles l’opposition avait mis à rude épreuve le parti au pouvoir, c’est désormais acquis et verrouillé qu’à l’issue de chaque consultation électorale, le Conseil constitutionnel va proclamer vainqueur le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc).
L’histoire politico-électorale au Cameroun prend un tour burlesque à l’occasion des sénatoriales du 12 mars 2023 avec le grand chelem du “parti du flambeau” assuré de rafler les 70 sièges en jeu face à 10 formations politiques qui étaient, à bien y regarder, des faire-valoir dans cette compétition électorale.
Le pouvoir qui tient les violons et commande (de toute évidence) la musique va se charger dans les prochains jours de gratifier l’opposition ou ce qui en tient lieu de quelques strapontins de sénateurs parmi les 30 qui doivent être nommés. Le but avoué étant de donner une coloration multipartisane à la chambre haute du Parlement, mais en réalité d’éviter une grande solitude antidémocratique.
Si les partis officiellement déclarés “amis” du Rdpc peuvent attendre sereinement le décret présidentiel y relatif, ce n’est pas le cas de certains nouveaux venus supposés ou réels au bataillon de la majorité. Ici et là, on brûle sans doute déjà des cierges pour être parmi les heureux… nommés.
À vrai dire, à ses résultats, ses règles et aux postures de ses acteurs, la démocratie camerounaise (à la camerounaise?) est devenue par trop ennuyeuse. Un véritable pensum pour le citoyen qui veut voir les choses bouger dans le bon sens, qui aspire à un changement rafraîchissant et structurant.
Tout porte à croire que le cirque électoral des sénatoriales 2023 va s’achever en session de plein droit par la reconduction de Marcel Niat Njifenji au perchoir du Sénat, pourtant en incapacité avérée d’assumer cette fonction.
Comme le symbole d’une institution impotente et superflue, qui n’apporte rien ou presque à la qualité de la production législative et au contrôle de l’action gouvernementale, encore moins à l’essor de la décentralisation, Niat Njifenji pourrait donc à nouveau rempiler et se mettre dans le pas de la longévité de son alter égo de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril. Sur les rotules, le “Très honorable”, lui aussi, peut dormir en paix. Il va continuer à gérer de manière féodale ou par personne interposée l’institution qui lui a été “donnée cadeau” depuis plus de trois décennies.
De voir un véritable frémissement de l’action gouvernementale génératrice de transformation sociale aurait pu mettre du baume au coeur du petit peuple. Que non!
Comme une horloge détraquée, tout semble s’être arrêté.
Le train-train quotidien gouvernemental fait illusion et dresse le lit d’une sinistrose qui ne semble présager rien de bon.
L’affaire Martinez Zogo, qui est loin d’avoir révélé tous ses miasmes, a fait son effet dans ce pays qui apparaît désormais comme un Zombieland. Dans la foulée, les sénatoriales font avec maestria leur cinéma. Circulez, y’a rien à voir ! Ainsi va le Cameroun.
Éditorial du 20 mars 2023 dans Mutations.