Christian Njigo Chwankam, Expert en Changement climatique et en Dynamique spatio-temporelle analyse le phénomène des canicules intenses que connait la ville de Douala.
La ville de Douala connait depuis quelques jours des canicules allant jusqu’à 50°c, qu’est ce qui peut être la cause de ce niveau de chaleur presque jamais atteint ?
Les canicules intenses que Douala connait actuellement, avec des températures dépassant la normale, sont effectivement très inhabituelles et peuvent être attribuées à plusieurs facteurs :
– Changement climatique : Le réchauffement climatique global est la cause principale de l’augmentation des températures extrêmes dans le monde entier. Douala n’est pas épargnée par ce phénomène.
– Effet d’îlot de chaleur urbain : La concentration de bâtiments et de surfaces imperméables (Pavés, Bitume, Béton…) en zone urbaine piège la chaleur et crée un microclimat plus chaud que les zones rurales environnantes. Douala, en tant que grande ville, est particulièrement affectée par cet effet.
– Déforestation : L’abattage des arbres, qui absorbent le CO2 (Dioxyde de Carbone) et contribuent à la régulation du climat, peut également jouer un rôle dans l’augmentation des températures. La ville de Douala a connu une déforestation importante ces dernières décennies.
N’y a-t-il pas d’autres facteurs qui pourraient être la cause ?
Justement nous avons le phénomène, El Niño qui est un Phénomène climatique très complexe qui se caractérise par un réchauffement anormal des eaux de surface du Pacifique équatorial. Ce réchauffement des eaux entraîne des perturbations atmosphériques qui ont des répercussions à l’échelle mondiale, notamment sur les régions équatoriales et sur le continent africain, y compris le Cameroun et Douala en particulier. Les effets d’El Nino en zone équatoriale peuvent être variés et significatifs. Ils incluent une sècheresse accrue, des perturbations des précipitations et surtout une augmentation des températures comme c’est le cas actuellement à Douala où on observe des températures plus élevées que la normale, ce qui peut aggraver l’effet d’îlot de chaleur urbain et augmenter les risques liés aux vagues de chaleur.
En fin on peut parler des variations naturelles : Il est important de noter que le climat peut connaître des variations naturelles, même sans l’influence du changement climatique. Il est possible que la canicule actuelle à Douala soit due en partie à une variation naturelle du climat.
De façon brève, les canicules intenses que connait Douala sont un phénomène préoccupant qui est probablement causé par une combinaison de facteurs, dont le changement climatique.
Faut-il s’attendre au pire dans les prochaines années ?
Il est difficile de prédire avec certitude l’évolution du climat à Douala dans les prochaines années. Cependant, plusieurs études scientifiques à l’instar des projections faites par la National Aeronautics and Space Administration indiquent que le changement climatique va continuer à entraîner une augmentation des températures et des événements météorologiques extrêmes, comme les canicules. A cet effet il est important de prendre en compte plusieurs facteurs :
– Trajectoire du changement climatique : L’ampleur de l’augmentation des températures à Douala dépendra des efforts déployés à l’échelle mondiale, par le gouvernement et les autorités locales pour implémenter les activités liées à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si les émissions continuent d’augmenter, les canicules risquent de devenir plus fréquentes et plus intenses.
– Adaptation et Atténuation : Les mesures prises par les autorités locales et la population pour s’adapter au changement climatique et réduire les risques liés aux canicules peuvent également influencer l’évolution de la situation.
Quels sont donc les scenarios envisageables ?
Compte tenu de ce qui a été mentionné plus haut, nous pouvons envisager deux scénarios possibles.
– Scénario pessimiste : Si aucune action n’est entreprise pour lutter contre le changement climatique et s’adapter à ses effets, les canicules à Douala pourraient devenir encore plus intenses et fréquentes, avec des conséquences graves sur la santé humaine et l’économie.
– Scénario optimiste : Si des efforts importants sont faits par les autorités compétentes et même les populations de Douala pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et mettre en place des mesures d’adaptation, il est possible de limiter l’impact des canicules et de protéger l’environnement et l’économie.
Que préconisez-vous comme solution pour essayer d’éviter ce phénomène ?
Face aux canicules intenses qui frappent Douala et qui risquent de s’aggraver avec le changement climatique, il est crucial de mettre en place des solutions durables à la fois pour atténuer le phénomène et pour s’adapter à ses effets. Voici quelques préconisations.
D’abord la mise en œuvre des activités d’atténuation du changement climatique. Dans ce premier point, il faut préconiser :
• Réduction des émissions de gaz à effet de serre : Cela passe par la transition vers des sources d’énergie renouvelables (Energie Solaire), l’Installation de panneaux solaires sur les bâtiments publics, l’amélioration de l’efficacité énergétique (réduction de la quantité d’énergie nécessaire pour réaliser une tâche donnée dans un ménage et surtout les industries, ce qui peut conduire à une réduction des coûts, à une diminution de la consommation d’énergie et à une réduction de l’impact environnemental) et le Développement des transports en commun pour réduire la pollution provenant des engins à deux roues.
• Protection des forêts et le renforcement des stocks de carbone : Les arbres absorbent le CO2 et contribuent à rafraichir le climat. Il est donc important de lutter contre la déforestation et multiplier de façon exponentielle les espaces verts à Douala. Freiner l’occupation anarchique du territoire à Douala ce qui passe le par le respect du plan d’occupation du sol mis en place par le gouvernement et la communauté urbaine de Douala.
Ensuite, il faut mettre en œuvre des activités d’adaptation aux effets du changement climatique. Elles passent par :
• La planification urbaine durable : Favoriser et imposer des infrastructures vertes (parcs, jardins, toits végétalisés) qui contribuent à rafraîchir l’air ambiant.
• L’amélioration des bâtiments : Le gouvernement et les autorités communales devront s’assurer du respect des normes cadastrales en termes de construction des habitations, de l’obligation de créer des espaces verts et de planter des arbres dans chaque propriété résidentielle, Mise en place des techniques de construction et de rénovation qui permettent de limiter l’absorption de chaleur (toits blancs, isolation, ventilation naturelle).
• La mise en place de programmes de sensibilisation : Il est crucial de Favoriser l’adoption de comportements individuels responsables pour réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Ceci passe par la sensibilisation à la gestion écologique des déchets en ciblant les particulièrement les poches précaires de Douala en les encourageant au tri sélectif, le compostage et la réduction de la production de déchets, on peut réduire la quantité de déchets déversés dans la nature et ceux envoyés en décharge, ce qui contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à limiter la pollution de l’air et de l’eau. La Sensibilisation à la consommation responsable en Encourageant les habitants de Douala à adopter des pratiques de consommation responsable, telles que l’achat de produits biologiques, la réduction de la consommation d’énergie, et la promotion des modes de déplacement doux (Vélo…), peut contribuer à réduire l’empreinte écologique de la ville. La sensibilisation à la préservation de la biodiversité en éduquant les populations sur l’importance de préserver les écosystèmes locaux, on peut contribuer à atténuer les effets du changement climatique et à renforcer la résilience des écosystèmes face aux hausses de température.
En conclusion, il n’y a pas de solution miracle face aux canicules qui frappent Douala. Il est nécessaire de combiner des mesures d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets. La réussite de cette lutte dépendra de la mobilisation de toutes les parties prenantes et de la mise en place d’une stratégie locale et cohérente.
Interview réalisée par Joseph Essama