Dans les six départements de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, l’éducation se retrouve au cœur d’une crise multifactorielle. Alors que l’État semble incapable de répondre aux besoins essentiels des populations, l’avenir de milliers d’enfants se voit compromis par une pénurie chronique d’enseignants et une insécurité qui se fait chaque jour plus oppressante.
Au sein du département du Mayo-Sava, berceau de nombreux établissements scolaires, la défaillance des politiques éducatives se traduit par un manque alarmant d’enseignants qualifiés. Les témoignages recueillis sur place dénoncent une réalité accablante : les écoles rurales sont laissées à elles-mêmes. La situation force l’État à se reposer sur une main-d’œuvre de vacataires locaux, souvent sous-payés et mal équipés, qui peinent à combler un vide béant dans un contexte où l’insécurité s’intensifie.
“Je suis originaire de Kangaleri, et oui, nous souffrons avec les enlèvements et les prises d’otages. Aucun enseignant venant d’ailleurs ne peut accepter de rester ici. Nous, vacataires, patientons parce que nous sommes d’ici”, témoigne un habitant de Kangaleri, une localité où l’ombre des groupes armés et des incursions terroristes plonge quotidiennement la population dans la peur.


Cette crise n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une inaction chronique et d’un abandon flagrant des territoires les plus vulnérables par des autorités indifférentes aux drames humains. Tandis que les responsables politiques multiplient les promesses d’amélioration, les mesures concrètes tardent à se matérialiser. La menace permanente qui plane sur les routes, rendant périlleux tout déplacement, empêche non seulement l’arrivée de renforts pédagogiques, mais condamne aussi des milliers d’élèves à l’errance éducative.
Les enfants, victimes collatérales d’un système défaillant, voient leur droit fondamental à l’éducation piétiné. Les établissements scolaires, fréquemment contraints de fermer leurs portes pour des périodes pouvant aller de plusieurs semaines à plusieurs mois, illustrent la gravité d’une situation que l’on pourrait qualifier d’urgence humanitaire. “La peur d’être pris en otage ou attaqué rend difficile l’accès à l’école, ce qui pénalise gravement nos enfants”, affirme avec amertume un parent d’élève d’une autre localité.
Face à cette dégradation continue, l’urgence d’agir ne saurait être davantage soulignée. Des solutions radicales s’imposent pour garantir la sécurité des enseignants et des élèves : une véritable refonte des politiques de formation et de soutien aux vacataires, une amélioration substantielle des infrastructures scolaires, et surtout, le déploiement effectif de forces de sécurité dans ces zones délaissées par l’État. Pourtant, il apparaît que les mesures incitatives, jusqu’ici, ne sont que des pansements sur une plaie béante.
Les vacataires locaux, héros du quotidien malgré des conditions de travail précaires, sont en première ligne d’un combat que personne n’a voulu véritablement mener. Sans un engagement institutionnel fort et une révision en profondeur des priorités sécuritaires et éducatives, leur lutte, aussi courageuse soit-elle, risque de rester vaine.
L’enjeu est d’une ampleur cruciale : garantir à chaque enfant, quel que soit son lieu de résidence, l’accès à une éducation digne et sécurisée. Les autorités doivent cesser de tergiverser et prendre des mesures concrètes pour renverser la tendance. Il en va de l’avenir des enfants du Mayo-Sava et, plus largement, de toute la région de l’Extrême-Nord, condamnée à payer le prix fort d’un abandon politique inacceptable.